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jeudi 19 mai 2011

La présomption d'innocence

La rencontre fatidique entre le puissant directeur général du FMI et une simple femme de chambre est l'occasion de rappeler que la présomption d’innocence existe aux États-Unis comme en France. Cependant, la façon dont la presse de caniveau américaine présente des informations relatives à des actes criminels non encore prouvés réduit ce principe à peu de chose, car il ne suffit pas à mon avis de saupoudrer un texte de mots tels que suspect, accused ou alleged si l’article lui-même est venimeux et désigne le suspect à l’opprobre. Il va de soi que les actes imputés à Dominique Strauss-Kahn sont extrêmement répréhensibles mais, jusqu’à preuve du contraire il en est innocent.

Dans un article intitulé Dominique Strauss-Kahn steps down as Head of IMF, le New York Post du 19 mai 2011 donne d’emblée le ton en appelant Strauss-Kahn Jailed sex crime suspect. S’il est déjà en taule, c’est tout dire, n’est-ce pas ? On le désigne ensuite sous l’appellation péjorative international moneyman, financier cosmopolite. Les accusations portées contre Strauss-Kahn sont quant à elles qualifiées de sickening (écœurantes). Peut-on légitimement être écœuré par quelque chose d’hypothétique au stade actuel, et l’indignation que traduit ce mot ne suggère-t-elle pas que la cause est déjà entendue ?

En France, il est interdit de montrer l’image d’un suspect menotté. On peut sans doute écrire qu’il est menotté pour s’en étonner, car on voit mal DSK prendre la fuite alors qu’il est escorté par une nuée de représentants de la loi. Le New York Post y va plus franchement, puisqu’il annonce que le jet-setting French moneyman (il a vraiment tout les vices : il fait partie de la jet-set, il est français et c’est un financier) sera chained, shackled -- and repeatedly strip-searched. Visiblement, le « journaliste » se délecte.

On cherche aussi à plaire au petit peuple, qui n’en demande pas tant : Dominique Srauss-Kahn, qualifié aussi de aging lothario (don juan vieillissant), far more accustomed to luxury hotels, designer suits and first-class travel, will be cuffed and shackled lors de son transfert à Manhattan.

Bref, la présomption d'innocence ne se limite pas à l'absence d'accusation, mais elle exige aussi une certaine retenue.

Sera-t-il possible de trouver des jurés qui n’auront pas entendu parler de cette affaire ? Si ce n’est pas le cas, des articles de ce genre sont de nature à créer un préjugé défavorable dans l’esprit des jurés.

Cela dit, les actes dont DSK est soupçonné sont très graves et notre compassion doit aller avant tout à la femme qui a porté plainte car, si elle dit vrai, c’est elle la seule victime.

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