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lundi 1 février 2010

Il est beaucoup plus difficile de faire très bien une tâche facile que de faire médiocrement une tâche difficile

Est-il plus difficile de traduire à partir d'une langue "exotique" qu'à partir d'une langue européenne ? Oui et non.

Il est certainement plus difficile d'apprendre le chinois que de se mettre à l'anglais. Mais une fois acquises des bases de chinois, si vous traduisez des textes chinois en français, bien malin qui pourra vous reprocher des erreurs.

Si j'ai besoin d'une traduction d'un article du Quotidien de Pékin, je suis incapable de déceler les erreurs éventuelles du traducteur et il m'importe peu que le style laisse à désirer, tant je suis reconnaissant de recevoir une version compréhensible de l'original. En revanche, on exige d'un traducteur anglais-français qu'il livre une traduction parfaitement exacte et bien rédigée.

Une anecdote : un jour, je traduisais un communiqué de presse qui contenait la phrase suivante : "With outside help, Albania was able to contain the epidemic." Ma traduction : "Sans aide extérieure, l'Albanie a réussi à endiguer l'épidémie." Un communiqué de presse se traduit toutes affaires cessantes, de sorte que je n'avais pas relu ma traduction de façon assez minutieuse. Dans mon esprit, "with outside" était devenu "without outside", d'où l'erreur.

Un journaliste de l'Agence France Presse a relevé la contradiction entre les versions anglaise et française, et l'a signalée au service Communication. Embarrassant. Cela ne se serait pas produit si j'avais traduit un texte du tagalog.

S'il est apparemment plus difficile de traduire d'anglais en russe que d'anglais en français, ceux qui traduisent ne sont jamais que des êtres humains et rien ne permet de penser que les russophones soient plus futés que les francophones. On peut en conclure que, pour un nombre de pages égal traduites en un temps identique, le travail des premiers rique d'être moins abouti que celui des seconds, pour lesquels on sera plus exigeant en ce qui concerne la qualité du style.

Le russophone connaît l'anglais ou pas, tout comme le francophone. Il maîtrise sa propre langue ou pas. Bien sûr le vocabulaire anglais guide le francophone, mais bien souvent aussi le fourvoie. Les russophones sont dans l'ensemble à l'abri des faux amis.

Quand je travaillais à la Commission européenne, on nous incitait à pratiquer le plus grand nombre de langues possibles. Pour ma part, mes langues de travail étrangères étaient au nombre de six, ce qui n'avait rien de remarquable à la Commission.

On me disait : "Tu jongles avec six langues ! Ce doit être difficile !" Oui, c'était difficile, parce que j'étais incompétent pour quatre d'entre elles. Pour ce qui est de ma langue principale, l'anglais, je n'ai jamais trouvé que la traduction était difficile. C'est justement l'aisance avec laquelle je pratiquais cette activité qui me permettait de faire de bonnes traductions.

Certains professionnels assurent qu'ils font un travail très difficile, mais je ne monterais jamais dans un avion dont le pilote juge son travail difficile.

Dans le même ordre d'idées, si l'on reconnaît généralement qu'il est plus difficile d'interpréter un discours que de le traduire, on ne demande pas à l'interprète de faire du style, alors que le traducteur doit remettre un texte bien léché.

Il est donc en fin de compte absurde d'affirmer que la traduction d'une langue exotique ou vers une langue rare est plus difficile que la traduction d'une langue plus proche de la langue d'arrivée, car l'exigence de qualité est inversement proportionnelle à la difficulté d'une tâche.

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