En vedette

samedi 3 octobre 2009

Virgule avant le pronom relatif ?

C’est l’un de mes dadas, mais je constate que les traducteurs qui connaissent et comprennent la règle applicable sont également les professionnels les plus accomplis.

On met une virgule devant une relative purement explicative et on l’omet devant une relative dite déterminative, c’est-à-dire qui permet d’identifier la chose ou la personne dont il s’agit.

J’entends déjà un contradicteur : « Oh ! vous m’énervez avec votre règle de la virgule ! Laissez les gens écrire comme ils l’entendent ! »

Certes, dans bien des cas, cela n’a effectivement pas d’importance, car le contexte permet de saisir le sens, mais si l’auteur a recours à la virgule de façon aléatoire, au jugé, au petit bonheur la chance, lorsque cela compte le lecteur a du mal à interpréter l’intention du rédacteur.

Ainsi, comment comprendre la phrase suivante, tirée de Tout savoir sur la Bourse, de Didier Vitrac :

Dans cette optique, il sera notamment conseillé d’investir en OPCVM obligataires dont la vocation est de distribuer des revenus.

Cela signifie-t-il que la vocation de certains OPCVM obligataires est de distribuer des revenus et que ce sont ceux-là qu’il faut choisir (omettre la virgule, car ce sont les-OPCVM-obligataires-dont-la-vocation-est-de-distribuer-des-revenus dont il s’agit) ou que la vocation de tous les OPCVM obligataires est de distribuer des revenus (insérer une virgule, car la relative n'est qu'une parenthèse, une explication pour les nuls) ?

Comme cet auteur bafoue constamment la règle de la virgule, la phrase est ambiguë. En fait, en toute rigueur, l’auteur écrit autre chose que ce qu’il veut dire. Bien entendu, les spécialistes de la finance comprennent, mais cet ouvrage est destiné à des profanes.

On va me dire : "A quoi cela sert-il si le lecteur ne connaît pas la règle ?" Tout d'abord, ce dernier peut la comprendre intuitivement. Ensuite, il y a de bonnes chances pour que ceux qui jugent le travail des traducteurs la connaissent.

vendredi 2 octobre 2009

La Société de confiance, Alain Peyrefitte, Odile Jacob

Comme je m’intéresse à la Chine, j’ai lu l’ouvrage d’Alain Peyrefitte Quand la Chine s’éveillera... le monde tremblera. Outre l’intérêt intrinsèque de ce livre, j’ai été frappé par la qualité de l’écriture. Pour une fois, me suis-je dit, un académicien montre l’exemple.

C’est ce qui m’a incité à entamer la lecture de La Société de confiance. Etant donné que ce livre relève des sciences humaines, j’ai pensé qu’il serait instructif tant pour le lexicographe que pour le traducteur.

Vous avez sans doute remarqué que beaucoup de traducteurs abusent de l’infinitif employé comme un substantif. Cela s’explique en grande partie par la paresse. Prenons la phrase :

Understanding this issue will promote effective measures.

Pourquoi se casser la tête ? Le tâcheron de la traduction traduit cette phrase comme suit :

Comprendre cette question favorisera la prise de mesures efficaces.

Or le verbe à l’infinitif ne peut être utilisé comme sujet que s’il est mis en équivalence avec un autre infinitif.

Dans l’introduction, Peyrefitte nous le rappelle :

Poser ces questions, c’est chercher à opérer une véritable révolution copernicienne dans l’étude du développement.

Le style, c’est aussi le recours à des métaphores naturelles et originales. A l’heure où nombreux sont les traducteurs qui évitent les expressions qui ne sont pas solidement attestées sur le Web, Peyrefitte en invente une qui vous n’y retrouverez pas :

Il faut sortir de son village, ne plus seulement lire l’heure à son clocher, aller « chercher fortune ».

(à suivre)

jeudi 1 octobre 2009

Grammaire méthodique du français, Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat, René Rioul, PUF, 2004, 646 pages, 15 €

Dans un autre billet, j’ai affirmé que la règle de la virgule à placer ou à omettre devant le pronom relatif est la pierre de touche du « bien-écrire ». Est-elle bien expliquée dans cette grammaire ? Celle-ci en parle dans le chapitre relatif à la ponctuation, mais se borne à donner un exemple de relative explicative. Aucun exemple de relative déterminative n’est présenté.

Dans le chapitre qui porte sur les relatives, les auteurs établissent bien la distinction entre relatives déterminatives et explicatives, mais la nécessité d’une virgule n’est mentionnée qu’à titre accessoire :

« Ces relatives sont marquées sur le plan prosodique par une mélodie spécifique, celle de la parenthèse ; et sur celui de la ponctuation, elles sont encadrées par deux virgules. »

Voilà qui est bien obscur et prétentieux.

Plus élémentaire, examinons l’accord du participe passé avec le COD « s’il précède ». La règle est assez facile a trouver et est énoncée clairement, si ce n’est que les auteurs préfèrent la formulation « être antéposé » (!) à « précéder ».

Terminons par l’emploi du subjonctif dans la relative. Ici encore, l’index permet de trouver assez facilement la bonne page (enfin, c’est pages 326 et 327, et non 323 à 327, comme indiqué). Quant au fond, les explications sont assez confuses et permettent difficilement d’employer correctement le subjonctif, sauf en ce qui concerne l’utilisation de ce mode lorsque la principale contient un superlatif ou une expression équivalente (le dernier, le seul, etc.).

En résumé, une grammaire assez peu convaincante.

mercredi 30 septembre 2009

Lecteurs de livres électroniques

Sur ce blogue, vous l'avez sans doute remarqué, je parle souvent de livres électroniques, car j'envisage une publication du guide sous cette forme, pour répondre à une demande pressante.

Jusqu'à présent, je privilégiais le Kindle, diffusé par un distributeur en ligne, Amazon, qui assure aussi la vente des livres correspondants. Malheureusement, ce lecteur n'est pas vendu en France.

Qu'offre la concurrence ?

Sony propose son PRS 505 :



Il coûte 329 € et permet la lecture de livres conformes au standard ePUB, qui a de bonnes chances de s'imposer.

Des livres électroniques au format ePUB peuvent être téléchargés sur le site de la FNAC (Téléchargement et MP3 > Téléchargement Livres). Il existe même une subdivision « Dictionnaires ». Au cours de la navigation, on découvre une rubrique intitulée « Transférer un livre sur le Sony Reader »

Au-delà de mon modeste guide, nous sommes tous concernés, car le livre papier deviendra, dans quelques années, un article de luxe que seuls quelques amateurs fortunés se procureront à prix d'or, comme le font aujourd'hui des bibliophiles à la recherche d'éditions princeps de Notre-Dame de Paris.

mardi 29 septembre 2009

William Safire dabbling in French

Le présent billet a été rédigé par notre premier guest blogger (blogueur invité), Jonathan Goldberg.

In March this year, William Safire, the American linguist who has just passed away, devoted much of his weekly column in the New York Times (republished in the International Herald Tribune) to the word “tranche”, explaining how it was becoming more commonly used in political circles in Washington. More interestingly, he completes the article with some definitions of French words (under the sub-heading “GUIDE DIPLOMATIQUE”).

See http://tinyurl.com/ybrkt7y

Désert, J. M. G. Le Clézio, Gallimard (suite et fin)

[Contexte : le traducteur et le lexicographe doivent lire]

Dans un billet antérieur, j’ai écrit :

« Le Clézio n’hésite pas à aligner les phrases courtes, ce qui donne parfois à son texte l’allure d’un procès-verbal. Le narrateur se borne à observer, avec détachement, sans émotion. »

En fait, l’émotion est indépendante du style. Elle surgit quand l’auteur réussit à faire partager le vécu d’un personnage auquel il est parvenu à donner vie – c’est à ces deux aptitudes que l’on reconnaît l’écrivain. Arrivé à la page 291, je me demande si l’auteur a créé en moi une telle émotion. Oui. Près de cent pages plus tôt, quand on veut marier Lalla avec un homme d’âge mûr, il écrit :

« Lalla n’a pas peur de lui, mais elle sait que si elle ne s’en va pas, un jour il la conduira de force dans sa maison pour l’épouser, parce qu’il est riche et puissant, et qu’il n’aime pas qu’on lui résiste. »

Cette phrase relativement complexe (sept propositions !), inhabituelle chez Le Clézio, présente une argumentation, qui n’est donc pas incompatible avec l’émotion. Celle-ci découle des histoires vécues relatées dans la presse et par mes médias.

En revanche, les descriptions misérabilistes auxquelles l’auteur se laisse aller ne suscitent aucune émotion.

Par ailleurs, des scènes étrangement répétitives se succèdent :

- page 292 : « Le cœur battant, Lalla court le long de l’avenue »
- page 293 : « Lalla s’arrête, elle aussi, et elle regarde, cachée derrière une voiture. Son cœur bat vite »
- page 296 : « tout à coup Lalla n’en peut plus d’attendre. [...] Alors elle s’échappe. Elle court de toutes ses forces le long de la ruelle ».

Et puis, Lalla est gentille :

« il est toujours poli et doux, et Lalla l’aime bien à cause de cela. [...] Lalla ne connaît pas son nom mais elle l’aime bien. »

Donne-lui quand même le prix Nobel, dit mon père.

Quel profit le traducteur ou le lexicographe retire-t-il de la lecture d’un roman tel que Désert ? Essentiellement, une œuvre littéraire rappelle, ressuscite des mots et expressions que l’on avait presque oubliés, souvent des termes simples que négligent la presse, les rapports, les essais. Elle est comme une couche fraîche de peinture passée sur la langue. Elle ranime la flamme. Piètre traducteur que celui qui ne connaît que les mots technocratiques.

Qu’on apprécie l’œuvre ou non, Le Clézio emploie le mot juste, nous le remémore, nous le fait mémoriser.

lundi 28 septembre 2009

Mort de William Safire

William Safire est décédé hier à l’âge de 79 ans. Au cours d’une carrière bien remplie, il a notamment été la plume de Richard Nixon.

Pour ma part, je retiendrai surtout ses chroniques sur la langue anglaise, qui paraissaient dans le New York Times et que j'ai longtemps retrouvées chaque lundi dans l’International Herald Tribune. Je ne sais pas s’il a tenu cette chronique jusqu’au bout, car je lui ai été assez infidèle ces dernières années.

Il s’intéressait en particulier au sens et à l’origine de mots et d’expressions, souvent à l’occasion de déclarations de personnalités politiques.

Comme par prémonition, j’ai publié hier un petit billet qui, sans que je le sache, était une sorte d’hommage à William Safire.

dimanche 27 septembre 2009

Langue

En marge du G20, Nicolas Sarkozy a déclaré, à propos des mesures à prendre contre l'Iran : "Il en va de la paix et de la stabilité."

Il aurait dû dire : "Il y va de la paix et de la stabilité."

L’erreur résulte probablement d’une confusion avec l’expression « il en va de même ».

Sur Google, une recherche limitée aux sites « .fr » montre que « il en va de la sécurité » est beaucoup plus fréquent que « il y va de la sécurité ». Le Président de la République commet donc les mêmes erreurs que son peuple.

Cela confirme, si besoin en est, que les comparaisons de fréquences effectuées à l’aide des moteurs de recherche doivent être interprétées avec prudence.