Le présent billet est la traduction d'un article rédigé en anglais par Jacquie Bridonneau et qui a été publié il y a quelques jours sur ce blog.
La bibliothèque publique de notre petite ville de Conches-en-Ouche, en Normandie, a l'amabilité de m'approvisionner en livres de langue anglaise, qu'elle achète au moyen de son budget ou emprunte à la bibliothèque départementale de l'Eure, ce qui m'a permis de relire tout récemment ce classique du XXe siècle qu'est Lord of the Flies de William Golding, dont le titre français est Sa Majesté des Mouches.
La plupart d'entre vous ont sans doute lu ce livre au lycée ou en ont au moins entendu parler mais, pour les autres, je précise qu'il a été publié en 1954 et raconte l'histoire d'un groupe d'écoliers anglais, composé d'adolescents et d'enfants nettement plus jeunes, qui survivent à un accident d'avion et se retrouvent sur une île déserte, sans adultes. Au début, ils sont enchantés de la liberté que leur offre ce monde sans adultes : ils vivent dans le présent et ne songent qu'à s'amuser. Mais bientôt leur fragile sentiment d'ordre commence à se désintégrer et ils se séparent en deux tribus, qui ne tardent pas à être hantées par la crainte irrationnelle d'une "bête" imaginaire. La violence, le népotisme et le vol régissent leur vie, dominée par une lutte pour la survie, et ils cessent d'espérer que des marins aperçoivent la fumée du feu qu'ils entretiennent, et se portent à leur secours.
Ce récit m'a fait penser à des événements récents qui se sont produits trop souvent en France, ce si beau pays, où des jeunes, dont un grand nombre sont loin d'être des adultes, ont également perdu l'espoir, dorment dans la rue malgré l'hiver glacial que nous connaissons en ce moment, et ont du mal à survivre jour après jour, incapables de se soucier de ce qui compte vraiment, qui est avant tout d'échapper à leur situation de victimes de la société et de se construire une véritable existence. Ces sans-abri, les "SDF" comme on dit, sont de plus en plus jeunes, ce qui est relativement nouveau, et nombre d'entre eux ont moins de 20 ans.
Le sort des Roms en France rappelle lui aussi Sa Majesté des Mouches. Admettons franchement que la plupart d'entre nous se sentent mal à l'aise quand ils s'aperçoivent que des caravanes stationnent illégalement dans leur quartier. Nous avons généralement peur des Roms, que nous ne comprenons pas, qui semblent, comme Ralph et Jack, vivre au jour le jour, qui errent ici et là sans travailler et qui semblent issus d'un autre siècle. Sont-ils vraiment libres ou au contraire prisonniers non pas d'une île déserte comme les enfants du roman, mais de leur propre histoire ? Quoi qu'il en soit, cette situation nous met mal à l'aise, surtout quand nous voyons ces enfants en guenilles qui gambadent autour des caravanes, la plupart d'entre eux très malpropres, et nous nous demandons si cette vie ils l'ont véritablement choisie ou si en fait, comme les enfants du roman, ils n'ont aucune prise sur leur sort.
Sa Majesté des Mouches se termine bien : lorsque ces enfants misérables commencent à tuer ceux de l'autre tribu, un officier de marine qui a remarqué de la fumée sur cette île déserte vient à leur secours et se demande comment une "bande de garçons britanniques" a bien pu en arriver à de telles extrémités. Cependant, pour nos sans-abri en France, bien que que de nombreuses associations leur viennent en aide, et pour les Roms, auxquels on offre maintenant de l'argent pour qu'ils quittent le pays, nous n'avons pas l'impression qu'une issue heureuse soit en vue.
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