Ceux d’entre nous qui ont connu la Seconde Guerre mondiale et se rappellent que Charles de Gaulle (1), exilé à Londres, fit cause commune avec Winston Churchill pour lutter contre les nazis, et les plus jeunes qui ont étudié l’action de ces deux dirigeants au cours de cette guerre, savent que le Premier ministre britannique de l’époque, Churchill, et le chef de la France libre, Charles de Gaulle, firent alliance (non sans mal) pour vaincre Hitler et les puissances de l’Axe. Cependant, si nous revenons deux cents ans en arrière, nous découvrons qu’un certain John Churchill, premier duc de Marlborough (dont le père était prénommé Winston), devint un héros national britannique parce qu’il vainquit la France. Les deux hommes vécurent dans la même résidence, Blenheim Palace.
Cette dernière, construite en Oxfordshire (Angleterre) fut un don que la nation reconnaissante fit à John Churchill pour avoir vaincu la France de Louis XIV (la plus grande victoire britannique depuis la bataille d'Azincourt) et la Bavière à la bataille de Blenheim (graphie anglaise de Blindheim, en Autriche). Près de deux siècles plus tard, Winston Churchill naquit à Blenheim Palace en 1874.
Blenheim Palace a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial et attire un grand nombre de touristes.
Tout jeune encore, John Churchill fut un compagnon du roi Jacques II, dernier monarque catholique à régner sur les royaumes d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, jusqu’à sa fuite sur le continent, lorsque Guillaume d’Orange envahit l’Angleterre en 1688. John Churchill changea alors d’allégeance et soutint le protestant Guillaume, contre le catholique Jacques II. Lors du couronnement de Guillaume III, Churchill fut élevé au rang de comte de Marlborough. Il participa à la Guerre de succession d’Espagne et dirigea l’armée britannique lors des quatre principales victoires du XVIIIe siècle, dont la bataille de Blenheim en 1704.
John Churchill, Duke of Marlborough
Blenheim Palace
Winston Churchill
Ces victoires furent obtenues au prix de véritables massacres. Connu pour sa cupidité, Marlborough fut soupçonné de prolonger la guerre par intérêt personnel. Le fait est qu’il devint l’homme le plus riche de Grande-Bretagne. Heureusement, son projet d’invasion de la France et de marche sur Paris fut contrecarré, principalement par la reine Anne, qui se brouilla avec l’épouse de Churchill, jusqu’alors sa meilleure amie. Il n’en reste pas moins que la chanson qui lui fut consacrée, Malbrouck s’en va-t-en guerre, continua à faire peur aux enfants français longtemps après sa mort (http://www.youtube.com/watch?v=_448PL3ZGPA&feature=channel).
Le nom de Sir Winston Churchill évoque surtout son rôle dans la Seconde Guerre mondiale, mais il obtint aussi le prix Nobel de littérature, principalement pour son livre History of the English Speaking Peoples. Churchill fut aussi l’auteur des quatre volumes d’une biographie de son célèbre ancêtre, Marlborough: His Life and Times.
Au sujet de John Churchill, il écrivit notamment ce qui suit : « Avant Napoléon, aucun commandant n’eut autant de pouvoir en Europe. L’union de près de vingt Etats coalisés était centrée sur sa personne. C’est lui qui assura la cohésion de la Grande Alliance... Il tenait en main les forces des trois quarts de l’Europe. »
Le comte Charles Spencer (frère de la défunte princesse Diana) a également écrit un livre sur le duc de Marlborough, apparemment publié sous deux titres différents : Battle for Europe: How the Duke of Marlborough Masterminded the Defeat of the French at Blenheim (couverture rigide) and Blenheim: Battle for Europe (livre au format de poche).
John Churchill changea l’histoire de l’Europe mais, selon les valeurs de la société occidentale d’aujourd’hui, il est permis de se demander s’il convient d’admirer un homme qui fit la guerre de façon impitoyable et sanguinaire, massacrant un grand nombre de Français innocents. Il faut peut-être établir la distinction suivante entre les victoires des deux résidents de Blenheim Palace : les bains de sang de Blenheim et d’ailleurs en 1704 étaient inspirés par le fanatisme religieux et la soif de pouvoir, illustrant ainsi les instincts les plus barbares du genre humain, tandis que la Seconde Guerre mondiale était, pour utiliser une expression moderne, une guerre nécessaire. Il est néanmoins permis de douter que la guerre mondiale de 1939-1945 soit en définitive la guerre qui mettra fin à toutes les guerres, pas plus que la Première Guerre mondiale ne mérita cette appellation.
Parmi les sources utilisées figure That Sweet Enemy: The French and the British…
(1) De Gaulle : « Quand j’ai raison, je me fâche. Churchill se fâche quand il a tort. Nous étions donc souvent fâchés l’un contre l’autre. »
Churchill : « De toutes les croix que je dois porter, la plus lourde est la Croix de Lorraine. »
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