Dans lesoir.be, une dépêche Belga sur un jugement, qui annule l’interdiction de port d’armes à feu à Washington D.C. (États-Unis).
« On ignore encore(1) toutefois si le jugement aura force de loi(2) directement ou si son application est conditionnée à(3) un éventuel(4) appel de la décision(5)(6). »
1. Lorsqu’il modifie le verbe « ignorer » (et probablement d’autres), l’adverbe « encore » est très souvent une lapalissade. Par définition, l’information que j’ignore aujourd’hui, je l’ai toujours ignorée ; donc je l’ignore « encore ». Inutile d’en rajouter.
À moins que je ne souhaite insister sur la durée anormale de cette ignorance. « Dans ce dossier criminel vieux de 20 ans, on *ignore encore* l’identité des coupables ».
2. L’expression « avoir force de loi » me paraît malvenue.
Le corpus des jugements forme la jurisprudence, et la jurisprudence est une *source* de droit parmi d’autres (les usages, la doctrine, …).
Un jugement devenu définitif par expiration du délai d’appel a « force de chose jugée » (à ne pas confondre avec l’autorité de la chose jugée), ce qui est tout différent.
3. « est conditionné à » - Cette formulation me surprend, je la crois erronée. « Est conditionné » est la forme passive du verbe « conditionner » et devrait donc se construire avec la préposition « par ». Il me semble que l’auteur a été influencé par les formules « est assujetti à » ou « est soumis à ».
4. « éventuel appel » : lapalissade. Tant que la période d’appel n’a pas expiré, le justiciable peut interjeter appel ; pendant cette période, l’appel est donc toujours éventuel.
5. Le complément « de la décision » est redondant, puisque le sujet de la proposition est clairement exprimé (« le jugement »).
6. Cette phrase est un bel exemple du « syndrome du garde champêtre » cher à Robert Beauvais. Il ne manquait que quelques « néanmoins » ou « subséquemment ».
À quoi bon s’essayer - maladroitement - à rédiger un cours de droit alors qu’il suffirait d’une formule claire et concise (cf. infra). ?
7. Enfin, je ne peux m’empêcher de sourire lorsqu’un journaliste nous informe non pas de faits,… mais de son ignorance.
Comment reformuler cette phrase ?
Voici une formulation destinée à un public de juristes ou au moins à un public averti :
« On ignore toutefois si le jugement a déjà force de chose jugée. »
Pour un public profane, il suffisait d’écrire :
« On ignore toutefois si le jugement est encore susceptible d’appel. », ou bien, plus court :
« On ignore toutefois si le jugement est définitif. »
Huit mots au lieu de 25.