À l’occasion
de la Saint-Jérôme, je présente ci-après la traduction en allemand et en
français de l’incipit de La faim de
Knut Hamsun (traduit en français par Georges Sautreau). En guise de prélude,
examinons d’abord le titre.
Sult
Hunger
La faim
On a dit qu’une
meilleure traduction du titre aurait été « Faim ». Elle aurait
certainement été plus percutante.
Plus
généralement, il y a une différence, en français, entre certains titres selon
qu’ils comprennent ou nom un article. Ainsi, un ouvrage intitulé La Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est un traité relatif à ladite convention, tandis qu’un
ouvrage dont le titre est Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
se borne à reproduire le texte de cette convention. La différence est d’importance,
mais souvent non perçue.
Det var in
den tid jeg gik omkring og sultet i Kristiania, denne forunderlige by som ingen
forlater førhan har fåt mærker af den....
Es war in
jener Zeit, als ich in Kristiania umherging und hungerte, in dieser selsamer
Stadt, die keiner verläst, ehe er von ihr gezeichnet worden ist...
C’était au
temps où j’errais, la faim au ventre, dans Christiania, cette ville singulière
que nul ne quitte avant qu’elle lui ait imprimé sa marque...
Le français « la
faim au ventre », expression qui remplace un verbe avec bonheur, est plus
imagé que l’original. À part cela, la construction française est plus proche de
l’original que l’allemand, qui doit placer « in Kristiania » avant
les verbes et donc répéter la préposition « in ».
Oslo devint
Christiania sous le règne de Christian IV, lorsque la ville fut reconstruite
après un incendie en 1624. L’orthographe Kristiania date de 1877. Christiania est
redevenue Oslo en 1925. L’orthographe française a retenu la graphie
ancienne. La faim date de 1890.
Soit dit en
passant, il serait intéressant de définir la date à laquelle on a cessé de « traduire »
ou d’adapter les noms de lieu.
Le traducteur
français suggère, avec « errer », que le narrateur circulait sans but
dans la ville. Il améliore ainsi l’original et se signale ainsi comme cibliste. La lecture du roman confirme cette errance. Par exemple : « Quand
on ferma la porte du cimetière, j’aurais dû rentrer tout droit chez moi, mais j’errai
encore quelque temps. »
En ce qui
concerne le dernier membre de phrase, il y avait également moyen d’améliorer l’original,
car ce que voulait en fait dire l’auteur, c’est que Christiania laissait sa
marque sur toute personne qui y séjournait et non qu’il fallait attendre d’avoir
cette marque avant de pouvoir s’en aller. Cependant, il y a des limites que le
traducteur ne peut franchir. Après tout, l’écrivain est l’auteur de l’original
et non le traducteur.
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